P@role d’entrepreneuse : Carole TANKEU #Women in AfricaTech

Carole TANKEU  est une entrepreneuse dans le domaine de l’environnement urbain et spécialisée en développement durable. Elle est directrice Générale du Bureau d’études et de conseil Sustainable Solutions-S2 Services SARL basée au Cameroun.  En tant que co-fondatrice de l’entreprise, elle est également impliquée dans les activités des Energies Renouvelables et des changements climatiques. Ces dernières années elle se passionne pour les starts-up au Cameroun et au Kenya où elle réside.


EDR – Tu vis au Kenya  qui  est considéré comme un des écosystèmes d’innovation le plus performant en Afrique. Peux tu nous expliquer les clés de cette réussite et comment s’organise cet écosystème ?

Carole TANKEU : Actuellement, le Kenya est dans le Top 3 des pays africains dont les start-up attirent le plus d’investissements, se disputant la place avec l’Afrique du Sud et le Nigeria, les deux premières puissances économiques du continent. A l’ère de la 4ème révolution industrielle, le modèle kenyan est, à mon humble avis, édifiant. Fort de plusieurs atouts, la capitale Nairobi est considérée comme un centre urbain central de la révolution des technologies de l’information et communication (TIC) en Afrique en général, et en Afrique de l’Est en particulier. Ces dernières années, le pays est devenu très attractif.

D’une part, l’Etat kenyan est très engagé et joue à fond la carte des nouvelles technologies. Lancé en 2008, les nouvelles technologies occupent une place primordiale dans les objectifs du plan “Vision 2030” du Kenya. De même, le gouvernement encourage l’entreprenariat. D’autre part, il semblerait que la ville de Nairobi a adopté le concept de l’innovation comme l’une des façons d’encourager la créativité de ses jeunes afin qu’ils puissent jouer un rôle plus important dans la rupture du cycle de la pauvreté, de l’inégalité et du chômage.

L’incubateur d’entreprise iHub a joué un rôle majeur de catalyseur technologique à Nairobi d’abord puis dans la sous-région. Fondé en 2010, aujourd’hui véritable Tech Hub, iHub es ancré dans la culture d’innovation technologique locale. Ce modèle de pôle technologique se caractérise par un écosystème d’innovations africaines et d’entreprenariat dont l’objectif es de développer les technologies futures. Toute la communauté high-tech de Nairobi s’y retrouve bien que la ville abrite aussi d’autres principaux Tech Hub à l’instar de GearBox et Nailab.

Parmi les autres atouts considérables de la ville de Nairobi, la présence de multinationales et d’organismes internationaux favorise les partenariats internationaux publics-privés. Ainsi, les leaders mondiaux, Facebook, IBM, Microsoft, Google, Samsung, Oracle, Ericsson et autres sont implantés au Kenya. Par exemple, après l’ouverture de son premier centre de recherche en Afrique en 2013, IBM a lancé un incubateur Innovation Space@iHub en partenariat avec iHub, l’incubateur le plus célèbre de la ville.

Trois autres exemples illustrent parfaitement la logique de coopération universitaire et scientifique dans les domaines de la recherche et l’innovation dans laquelle s’inscrit le gouvernement kényan grâce à des partenariats publics-privés.

  • L’Université de Nairobi abrite le centre d’incubation et de Recherche & Développement C4DLab. Le laboratoire associé avec plusieurs partenaires (Google, Unicef, IBM, MicroSoft, AfriLabs, ..) vise à contribuer à la construction du projet de ville technologique dénommée Silicon Savannah, en s’appuyant sur la communauté universitaire.
  • @iLabAfrica est un centre d’excellence en innovation et développement des TIC basé à l’Université privée Strathmore à Nairobi. Ce centre de recherche, créée, entre autres pour contribuer à la Vision 2030 du Kenya est impliqué dans la recherche interdisciplinaire, la collaboration avec le gouvernement, l’industrie et d’autres organismes de financement.
  • Et le Centre d’innovation et d’incubation des entreprises Chandaria (Chandaria-BIIC) à Kenyatta University lancé en Juillet 2011 promeut une culture d’innovation à travers divers programmes et une plate-forme pour apporter des solutions aux défis rencontrés par diverses industries. Il vise entre autres à combiner la recherche appliquée avec l’innovation et la création de start-up.

Dans ce contexte de boom de start-ups, les espaces de co-working se multiplient à l’instar de Metta, Nairobi Garage et 88mph au sein desquels se développent à la fois les innovations urbaines et les dernières applications.

Non seulement les technologies s’adaptent au contexte local en apportant des solutions à des problématiques spécifiques au pays mais parfois le local devient global à l’instar de la plus célèbre de toutes les applications mobiles de paiement nées au Kenya : MPesa, M pour mobile et pesa pour “monnaie” en swahili. Développée en 2007 par Vodafone et sa filiale locale Safaricom, MPesa permet de payer très facilement, par SMS, factures d’électricité, les services de restauration, les voyages, ….

Depuis quelque années Nairobi s’est donc imposée comme lieu de rendez-vous des leaders de la technologie et du monde des affaires, des ingénieurs informatiques, des développeurs locaux, des geeks et des entrepreneurs. Tout au long de l’année, les évènements s’enchainent de Nairobi Innovation Week (Nairobi University), au Forum Sankalp Afrique, en passant par Nairobi Tech Week (Moringa School) ou Women in Tech (Microsoft4Africa). Nairobi vit au rythme des « Hacaktons » ! Il résulte de ces efforts conjugués un environnement favorable à la naissance de start-up, notamment dans le domaine des nouvelles technologies et du numérique, et par conséquent,   de la création d’emplois et de richesses. L’écosystème high-tech de Nairobi témoigne du dynamisme du numérique sur le continent où les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont utilisées comme un véritable levier de croissance.

EDR : On parle d’un rôle prépondérant des « femmes Africaines 2.0 » dans cet écosystèmes  ? Peux tu nous parler de leur rôle ?

Carole TANKEU : Dans un pays qui se positionne comme le hub numérique de l’Afrique, les femmes travaillant dans l’informatique et des TIC sont de plus en plus nombreuses. Elles y jouent un rôle prépondérant car elles sont impliquées à tous les niveaux : codification, programmation, développement web, création d’applications mobiles, et direction de grandes entreprises spécialisées dans le domaine des NTIC.

Dr Katherine Getao est la première femme kenyane à avoir obtenu un doctorat en informatique. Aujourd’hui, cette une pionnière, est au service du gouvernement du Kenya en tant que Secrétaire des TIC au Ministère de l’Information, des Communications et de la Technologie, dans sa mission donne la priorité à l’utilisation des TIC pour fournir des services publics à tous les Kenyans et à la réalisation de la Vision 2030 en améliorant l’efficience et l’efficacité des services gouvernementaux. Dr Katherine Getao a dirigé la phase de conception de l’initiative Huduma Kenya, qui a transformé radicalement la façon dont les citoyens accèdent aux services gouvernementaux.

Pourtant, les kényanes les plus emblématiques dans le domaine des nouvelles technologies sont indéniablement Ory Okollo et Juliana Rotich pour avoir joué un rôle clé dans la transformation numérique du pays sur la scène politique.

Ces deux activistes numériques au parcours différents mais complémentaires sont les fondatrices de Ushahidi (Swahili: « Témoin »), un site Web qui a recueilli et enregistré des rapports de témoins oculaires de violence utilisant des messages texte et Google Maps. Cette technologie africaine a conquis la planète.

Aujourd’hui, Ory Okollo  Elle est la co-fondatrice d’Ushahidi et de Mzalendo (le site de surveillance parlementaire Mzalendo) est directrice des investissements chez Omidyar Network et basée à Johannesburg tandis que Juliana Rotich est un partenaire de Venture chez Africa Technology Ventures. Elle est la co-fondatrice de Ushahidi Inc., une entreprise technologique à but non lucratif, née en Afrique, spécialisée dans le développement de logiciels libres et open source pour changer la façon dont l’information circule dans le mond

De multiples initiatives privées au sein des entreprises, dans les écoles dès le primaire, favorisent largement l’émergence des femmes dans ce secteur traditionnellement masculin.

Ainsi, Safaricom Women in Technology (WIT) est un réseau de femmes passionnées qui travaillent dans le domaine des technologies liées à l’industrie au sein de Safaricom, la plus grande entreprise de télécom du Kenya. Le réseau, soutenu par les femmes travaillant au sein de la division Technologie de Safaricom, a été fondé fin 2012. L’objectif principal de la plateforme WIT de soutenir l’évolution de carrières des femmes dans l’espace technologique au Kenya.

De même, le programme d’incubateur Standard Chartered Women in Technology Incubator au Kenya dont l’objectif est d’accroitre les opportunités des femmes dans le secteur des technologies , vise à développer l’excellence entrepreneuriale et de leadership. Ce programme est une initiative de Standard Chartered en partenariat avec l’incubateur de l’Université Strathmore @iBizAfrica.

La responsable de la stratégie et des opérations, Wambui Kinya dirige l’entreprise Andela qui investit dans les développeurs les plus talentueux d’Afrique et les intègre dans les meilleures entreprises technologiques du monde. Fondé en 2014, cette entreprise vise à construire un réseau de leaders technologiques sur le continent africain et combler le fossé entre les secteurs technologiques américains et africains.

Mercy Njue a fondé Botlab, une start-up d’accélérateur de logiciels qui propose des formations aux professionnels de l’intelligence artificielle, de l’apprentissage automatique et de la Business Intelligence. Botlab vise à accélérer la croissance et la progression des carrières au sein des départements informatiques afin de les aligner sur la stratégie d’entreprise.

Depuis 2010, AkiraChix co-fondée par Judith Owigar gère un programme de formation à Nairobi pour les jeunes femmes issues de communautés urbaines pauvres et passionnées par la technologie. Le programme de formation vise à doter ces filles de compétences informatiques leur permettant de subvenir à leurs besoins.  En outre, Judith Owigar est également PDG et fondatrice de JuaKali Workers, une entreprise qui relie des travailleurs manuels qualifiés à des clients qui ont besoin de leurs services.

Par ailleurs, la communauté technologique féminine se bâtit tout en s’agrandissant également autour de conférences (African Women in Tech, rencontres (Women in Tech Talk), et des « hackatons.

Enfin, dans la sphère tech de Nairobi, il faut aussi savoir compter avec entre autres l’éthiopienne Amrote Abdella, directrice régionale de Microsoft 4Afrika et la camerounaise Corine Mbiaketcha, directrice régional d’Oracle.

Grâce aux diverses plateformes de regroupements de femmes férues de technologies mais aussi au leadership, les femmes à Nairobi ont réussi à s’imposer progressivement dans un univers professionnel masculin.

Laisser un commentaire

You have Successfully Subscribed!

Partagez
Tweetez
Partagez