Commentaires :
Ce livre agrège les contributions d’experts issus de différentes disciplines. Mathématiciens, informaticiens, cancérologues, chirurgiens, sociologues et juristes nous révèlent les promesses de l’IA dans la santé mais aussi les immenses défis technologiques, sociétaux et humains à relever. C’est un livre accessible, très riche et complet et qui, au-delà de la santé, adresse le panorama des potentialités et des limites du Big Data et de l’IA. Il aborde des sujets de sociétés (la confiance des patients, la démagogie cognitive permise par les réseaux sociaux, la nécessité de faire évoluer la formation des soignants…) et des notions beaucoup plus techniques comme l’interopérabilité des bases, les technique d’anonymisation, l’open data…
Un livre aussi riche ne peut être parfaitement résumé mais je tenais à partager avec vous les idées essentielles sur ce sujet qui nous touche tous et plus particulièrement dans cette période de crise sanitaire. Si ce résumé vous donne envie de lire
ce livre ou éveille votre curiosité sur ce sujet, alors le pari sera gagné.
Mon avis : c’est un excellent ouvrage très complet à lire absolument si ce sujet vous intéresse.
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Le résumé :
Le domaine de la santé est un terrain de jeu immense pour l’IA tant par la variété, la complexité et la sensibilité des sujets qui touchent à la biologie humaine que par l’environnement quasi industrielle du secteur médical qui ajoute des contraintes logistiques, techniques et administratives. Les enjeux à relever sont importants : vieillissement de la population, système de sécurité sociale à réinventer, raccourcissement des durées d’hospitalisation, réduction du temps d’accès aux plateaux techniques… Prévenir, analyser, traiter, opérer, innover, faire de la veille sanitaire et développer de nouveaux médicaments…voilà le champ d’application infini de l’IA en médecine.
Cette révolution est permise grâce à de nombreuses innovations technologiques et scientifiques qui vont révolutionner la pratique médicale mais aussi la production du savoir : utilisation de capteurs variés, algorithmes de deep Learning, technologies de traitement du langage naturel et de data mining, progrès de la classification en grandes dimensions, la radiomique dans l’analyse des données d’imagerie… Cette révolution est aussi possible grâce à l’accumulation des données permises par la digitalisation des processus, la transformation numérique de l’AP/HP et l’avènement dans les années 90 et 2000 de nouveaux programmes de consolidation qui ont permis en France l’appariement de plusieurs bases de données pour faciliter les analyses des données de vie
réelles. Nous disposons aujourd’hui de l’Entrepôt de Données de Santé (EDS) de l’AP-HP qui intègre les données administratives et médicales de plus de 8 millions de patients et du SNDS qui permet de chaîner les données médico-administratives de l’Assurance Maladie (base SNIIRAM) et les données des hôpitaux (base PMSI).
Exemples d’applications du Big Data et de l’IA dans le domaine de la santé :
– Les techniques de machine Learning et d’inférence statistique au service de la médecine de précision : analyse des données génomiques, classification des profils moléculaires, lecture du génome constitutionnel ou somatique pour une thérapie ciblée.
– L’apprentissage par ordinateur et le deep Learning pour exploiter les vidéos, interpréter des images et créer des moteurs de recherche pour interroger directement le contenu des images.
– Les modélisations mathématiques en oncologie pour prédire la croissance des tumeurs, la détermination des volumes tumoraux grâce à les simulations 3D d’une métastase.
– L’analyse des données au niveau des images des tissus et l’interprétation automatisée des lames virtuelles numérisées à très haute résolution consultables localement ou en réseau.
– La prise en compte des données holistiques du patient (données biologiques, comportementales et environnementales) en épidémiologie environnementale en croisant par exemple avec des bases de données climatiques.
– L’appariement de cohortes épidémiques et le croisement avec les bases de données médico-administratives dans le domaine de la surveillance et un suivi des épidémies grâce aux corrélations inconnues révélées par le datamining.
– Les algorithmes de détection des signaux faibles en pharmaco-épidémiologie et en pharmacovigilance pour évaluer les effets secondaires, prédire l’hétérogénéité des réponses et la recherche de biomarqueurs prédictifs de réponse aux traitements.
– La sécurité et la performance au bloc opératoire : la détection de risques de surexposition aux radiations, l’amélioration de la dextérité des gestes interventionnels.
– Le pilotage de la performance hospitalière : réduction de l’affluence, gestion des files d’attente, analyse des parcours de soins et des disparités de prise en charge, suivi de cohortes de patients pour analyser l’efficacité des traitements.
– La robotique sociale et affective pour traiter la dépendance et le développement des maladies chroniques liées au vieillissement.
Les défis à relever :
– Déployer les outils pour assurer l’interopérabilité des bases et l’évolution des dossiers patients à relier à leur histoire clinique.
– Continuer à développer de grands centres de calculs de jeux de données pour les recherches de corrélations et de signaux faibles.
– Eviter les risques de piratage dans des établissements de santé souvent très vulnérables.
– Respecter les contraintes de collecte et de traitement imposées dans le RGPD en améliorant notamment les techniques de cryptage et d’anonymisation pour la mise à disposition de jeux de données non ré-identifiant.
– Maintenir les efforts publics en matière d’ouverture des données, développer des organisations pérennes pour soutenir le passage à l’échelle des dynamiques de co-création d’équipes pluridisciplinaires, de mutualisation et des ressources et de
compétition permises par l’open data.
– Réussir le passage à l’échelle de méthodes supervisées nécessitant l’annotation des données très couteuse et chronophage.
– Démocratiser des outils de pointe et faciliter l’appropriation par les médecins des outils numériques dans la pratique médicale.
– Adapter et créer de nouveaux métiers, renouveler la formation des personnels soignants pour avoir des profils pluridisciplinaires cumulant expertises scientifiques, médicales et informatiques et intégrant des sciences sociales.
– Communiquer et obtenir la confiance des usagers sur le respect de la vie privée afin d’obtenir l’adhésion.
– Développer des cadres éthiques pour rendre plus transparents les systèmes apprenants.
– Réguler le fonctionnement des robots et définir le cadre de la coévolution humain-machine : éduquer pour démystifier, assurer la transparence des programmes informatiques qu’ils embarquent et encadrer sur le plan déontologique la responsabilité des
concepteurs.
– Maitriser le développement de la démagogie cognitive permise par les réseaux sociaux qui propagent le progrès mais aussi les fausses nouvelles et les annonces de complot.
En conclusion : le potentiel des nouvelles technologies pour la médecine est considérable et porteur de beaucoup d’espoirs. Le médecin va disposer d’assistants numériques pour renforcer et guider son expertise mais le lien entre le patient et le professionnel, la puissance de l’expérience et l’intelligence humaine resteront au cœur des pratiques. Au-delà de son lot de promesses habituelles, l’intelligence artificielle nourrit dans la santé les fantasmes d’immortalité et d’humanité augmentée. Nous devons pourtant faire preuve d’humilité devant la difficulté à modéliser le vivant du fait de la part du hasard et la complexité de la biologie des systèmes.