Expérience de lecture
Ce livre m’a été maintes fois présenté comme un grand classique sur l’impact du numérique sur notre société. Ce manifeste de moins de 100 pages se lit comme un roman. Je n’ai pas appris grand-chose mais j’ai trouvé très intéressante la vision optimiste de cet « octogénaire moderne » dont la vision contraste avec les thèses passéistes et technophobes de sa génération (lire le livre du même auteur « c’était mieux avant »).
Ce livre écrit en 2012 a certes vieilli, car les contemporains de l’auteur ont été remplacés par une nouvelle génération et de nouveaux usages, mais l’analyse reste intéressante et applicable aux plus jeunes. Michel Serres ne porte pas de jugement sur les nouvelles générations. Il observe le monde qui change et nous invite à la solidarité générationnelle pour faire accoucher cette nouvelle société, ce nouvel être qu’il nomme Petite Poucette. Certains ont regretté l’optimisme exagéré qui occulte les aspects négatifs de cette société (servitude volontaire, narcissisme, société mercantile…). Mais accentuer les ruptures générationnelles ne peut que constituer un obstacle à la transition.
Mon conseil : ce n’est pas une lecture nécessaire car les usages du numérique qui y sont décrits ont beaucoup changé. Ce livre est juste agréable à lire pour aspirer une bouffée de fraicheur, de bienveillance et de tendresse dans le monde parfois glacial de l’ère digitale.
Le résumé
Les bouleversements technologiques ont accentué les ruptures générationnelles et donné naissance à une nouvelle génération qui doit s’adapter car les repères et le rapport au monde ont rapidement et profondément changé. Petite Poucette à la vitesse et l’agilité avec laquelle cette génération envoie des SMS avec les deux pouces. Son nom symbolise la révolution tactile et informatique qui a permis « la 3ème révolution du couple support/message » ( après la révolution de l’écrit puis de l’imprimerie) . Petite Poucette doit tout réinventer pour s’adapter à un nouveau monde.
Le rapport au monde de cette nouvelle génération à changé : le rapport travail, l’accès au savoir, l’espace bouleversé par les voyages et dirigé par le GPS, et l’amour qui n’est plus éternel. Tout a changé : les rapports entre pays quand l’occident se contracte, les courbes démographiques, le rapport entre les sexes…
Dans le monde de Petite Poucette on donne la parole à la multitude, on note tout le monde, le médecin, le professeur et l’amoureux…
Michel Serres fait un portrait peu flatteur de nous les adultes, qui n’avons pas compris la mesure de ces changements, qui n’avons pas vu que rien n’est plus concentration et verticalité. Nous n’avons pas fait notre travail et n’avons pas assumé notre responsabilité, nous avons continué à leur apprendre l’égoïsme incapables nous mêmes de supporter le carcan de nos couples, l’appartenance à des partis politiques et la croyance à une religion. Nous n’avons cessé de leur faire des reproches sans tenter de comprendre leur monde. Leur savoir est devenu collectif, connecté et accessible et nous continuons inlassablement à les éduquer sans les connaître dans des cadres anachroniques concentrés (centre, campus, amphi).
Michel Serres nous invite à arrêter de juger, et à engager une collaboration générationnelle pour les aider à inventer un nouveau lien social, à innover avec les règles de ce monde nouveau. Il est plein de bienveillance et de tendresse pour Petite Poucette qui, seule dans ce monde virtuel et individuel, a besoin de nous pour tout réinventer.
Pour aller plus loin en images… Une conférence de Michel Serres à la Cité du Livre d’Aix le vendredi 31 janvier 2014