Expérience de lecture
J’ai dévoré ce livre pendant un court séjour d’été 2016 à Milan dans un parc public paisible hanté par quelques athlètes courageux entre l’aube et l’heure où se lèvent les touristes. J’ai adoré ce livre et surtout beaucoup appris sur la révolution technologique qui se prépare et sur les questions éthiques qui en découlent. Pour la première fois, ma foi de digital optimiste a été mise à mal. On ne peut refermer ce livre sans se poser des questions métaphysiques et succomber à une sensation d’angoisse et un doute profond : et si c’était vrai que cette révolution technologique allait signer le début de la fin de l’humanité telle que nous la connaissons ? Et sommes-nous bien raisonnables de préparer nous-même notre propre fin ?
Ce livre se veut pédagogique et accessible. Il y parvient plutôt bien, en dépit de quelques passages assez complexes sur les différents courants philosophiques humanistes, Trans-humanistes et post-humanistes. Il expose clairement les différentes théories qui s’affrontent.
Mon conseil : certes de nombreux livres ont depuis traité ce sujet sur l’intelligence artificielle mais cet ouvrage de luc Ferry reste une excellente introduction pour comprendre et prendre conscience des enjeux de la révolution des NBIC Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique (big data, internet des objets) et Cognitivisme (intelligence artificielle et robotique). A lire absolument !
Le résumé
Encore une fois, la révolution des techno-sciences se traduit par la combinaison d’une somme de progrès techniques dont la convergence va produire ce fabuleux potentiel en médecine. Ces technologies en forte mutation sont les NBIC, la robotique, l’intelligence artificielle et la 3D.
L’upérisation a fait l’objet de débats dans tous les diners car les médias n’ont eu aucun mal à vulgariser la technologie et ses impacts qui ont concerné chacun de nous dans notre quotidien. La révolution des techno-sciences, elle, est plus complexe et difficilement accessible à des profanes. L’ignorance du grand public et des élites accentuées par la vitesse des changements et des innovations expliquent notre malaise et la difficulté des institutions à réinventer les politiques publiques et réguler pour en prendre en compte les aspects éthiques, politiques et économiques. Les élites préfèrent ignorer le potentiel et les menaces de cette révolution surtout en Europe où les théories déclinistes sont majoritaires. Et pourtant ces progrès notamment en ingénierie génétique sont déjà utilisés pour modifier l’espèce humaine et plusieurs centres de recherche sont financés notamment par les géants du Web.
Plusieurs mouvements philosophiques, culturels ou intellectuels théorisent le rôle de la science pour réparer, améliorer ou remplacer l’homme : l’humanisme classique qui se limite a théoriser l’amélioration de l’homme grâce aux sciences, le transhumanisme biologique qui veut améliorer voire parfaire l’être humain en restant dans la sphère du vivant et le post-humanisme symbolisé par le projet cybernétique d’hybridation homme/machine soutenu par Ray Kurzweil, patron de l’université de la singularité de Google dont le dessein serait de remplacer un être dont la conscience n’est qu’une composante du cerveau par une espèce plus puissante et plus intelligente.
Tous ces projets basent sur le principe éthique du mouvement « from chance to choice », qui propose de corriger la « loterie naturelle » pour réparer les inégalités. Les dérives pourraient conduire à’une société eugéniste composée d’humains menacés de destruction par des machines autonomes. Conscients de ces risques, des technophiles aussi puissants que Bill Gates et Elon Musk ont signé en 2015 une pétition qui a recueilli des milliers de signatures de scientifiques pour nous alerter sur les dangers d’une intelligence artificielle trop puissante.
Luc Ferry fait un parallèle intéressant ente l’uberisation du monde et la révolution de la techno médecine qui ont selon lui ont de nombreux points communs : Elles mobilisent des technologies communes (IOT, big data, IA…), elles ont pour objectif de donner à l‘homme la maîtrise de son destin et elles sont financées par les mêmes acteurs de la net-Economie. Ces acteurs créent un courant de pensée civilisationnelle qui veut affranchir l’homme de toutes sortes de contraintes et résoudre tous les problèmes du monde grâce aux progrès de la science et de la technologie. Pour Luc ferry la réalité est que ces courants de pensées préparent un monde de dérégulation sauvage qui donnera lieu à une civilisation hyper mercantile.
L’auteur ne souhaite pas freiner ces progrès qui ont un potentiel énorme pour soigner les maladies incurables, c’est plutôt un plaidoyer pour que les états s’intéressent à ces sujets pour les réglementer car la société civile ne peut exprimer l’intérêt général. Pour Luc Ferry le progrès et l’innovation sont indispensables et la seule issue pour sauver nos modèles sociaux et économiques. Il faut dépasser les débats entre optimistes béats et déclinistes et faire preuve de courage en adoptant une démarche de « régulation politique adossée à un principe supérieur : poser des limites, oui, mais ne jamais interdire sans raison argumentée ».
Pour aller plus loin en images : Interview de Luc Ferry par TéléParis
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